Troubles sévères du comportement : l'ARS finance la formation de 300 professionnels du handicap

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Ces formations, au caractère pluridisciplinaire, ont vocation à permettre la diffusion et l’appropriation collective des recommandations de bonnes pratiques par les professionnels des établissements et services médico-sociaux, la compréhension des enjeux de la relation en situation complexe de handicap, et la conception d’outils adaptés à une meilleure gestion des situations individuelles.

Cette action constitue un levier dans le cadre de la politique de transformation de l’offre, puisqu’elle appelle les professionnels à réinterroger et à adapter leurs pratiques professionnelles et leur cadre d’exercice, eu égard à la mise en œuvre d’une politique inclusive.

L’Agence régionale de santé Grand Est finance dans ce cadre des formations destinées aux professionnels du secteur médico-social, dont le but est de leur fournir les outils adéquats lorsqu’ils sont confrontés à la gestion des troubles sévères du comportement notamment chez les enfants souffrants de handicap. Une manière d’aider et de soutenir une démarche visant une évolution dans les pratiques. Cette formation est financée dans son intégralité par l’ARS Grand Est à hauteur de 170 000 euros avec une prévision de près de 300 professionnels formés.

En Grand Est, une centaine de personnes en situation de handicap par an, sont en attente de prise en charge. Leur situation est  qualifiée de critique, du fait d’une rupture dans leur parcours d’accompagnement. Ces situations individuelles peuvent donner lieu à des financements complémentaires de l’ARS afin d’assurer la mise en œuvre d’une solution de prise en charge adaptée en établissements et services médico-sociaux.

La formation des professionnels est donc un enjeu qui s’inscrit dans le cadre  des priorités du Projet Régional de Santé (PRS) Grand Est 2018-2023 et notamment l’objectif de réduction d’au moins un tiers du nombre de situations sans solution stable dans la région, d’ici à 5 ans.

Parcours Santé : Quelles étaient vos attentes par rapport à cette formation ?

Aline GOSSET-RAGE et Véronique VESSELLE, psychologue et éducatrice spécialisée à l’IME/ITEP de l’Eveil (Aube) : « Nos principales attentes étaient d’apporter une lecture théorique à ce que nous vivons au quotidien auprès des enfants handicapés présentant des troubles sévères du comportement. Nous voulions également enrichir nos connaissances sur ce sujet et échanger avec d’autres professionnels sur les modalités d’accompagnement singulières et nécessaires que chaque équipe peut proposer ».

 

Pourquoi avez-vous souhaité suivre cette formation ?

« Il était important de nous imprégner des courants de pensées portés par les instances qui régissent notre secteur. Nous souhaitions confronter nos pratiques sur le terrain aux attendus de l’ARS ».

 

Quels étaient, pour vous, les enjeux et les objectifs de cette formation ?

« Notre objectif était d’enrichir notre regard et notre pensée par les échanges avec d’autres professionnels de différentes structures et notamment avec le regard de la pluridisciplinarité. L’enjeu principal était d’appréhender nos pratiques au travers des apports théoriques mais également de transmettre, à notre équipe dans l’après coup ce que l’on a vécu, retenu de ces quelques journées, ce qui pourrait être éclairant pour notre pratique au quotidien ».

 

Qu’avez-vous apprécié dans le programme de formation ?

« Nous avons tout particulièrement apprécié le dynamisme qui a caractérisé la présentation de la formation : la place laissée aux échanges sur la clinique et les résonances sur notre pratique, les constants allers/retours avec les apports théoriques proposés par la formatrice. Nous avons apprécié les supports utilisés (diaporama, vidéos...) ».

 

Avez-vous un exemple d’expérience à partager ?

« Nous avons eu l’occasion de présenter un cas clinique qui a permis de repenser la singularité de l’accompagnement que nous avions proposé à un jeune souffrant de troubles sévères du comportement. Il nous a semblé indispensable de souligner qu’il faut garder en tête que le trouble du comportement, aussi sévère soit-il, doit être pris en compte comme étant l’expression d’une souffrance et non comme un symptôme ou un diagnostic à traiter ». 

Parcours Santé : Quels sont, pour vous, les enjeux de la formation des professionnels ?

Ani AZARYAN : « Les enjeux se situent, à mon sens, autour des besoins des personnes que l’on accueille, dont nous avons la responsabilité en termes de travail thérapeutique, éducatif, soignant. Comprendre les conflits internes que le sujet peut traverser, mais également le rôle de l’environnement dans le comportement de ce même sujet, permet d’ajuster les réponses et la posture que nous prenons face au public que nous accompagnons. Comment aider les jeunes à gérer leurs conflits de loyauté, comment, dans l’institution, ne pas tomber dans le même fonctionnement familial du jeune, comment l’aider à trouver des ressources à l’intérieur de lui et dans son environnement pour s’en sortir dans la vie, comment ne pas le diminuer à un trouble/trouble du comportement/crise… Comment voir le jeune autrement que par la porte d'entrée qu'est son trouble ? Les formations permettent de répondre à ces questions, entre autres ».

 

Que vous paraît-il le plus important dans une formation ?

« Ce qui est important, il me semble, est d’entendre les difficultés des équipes face à des situations qui ne sont pas faciles à gérer au quotidien. C’est de parvenir à instaurer un climat de confiance pour des échanges entre eux, de pouvoir les amener à voir la situation de côté, tout en l’ayant vécu : autrement dit, faire un pas de côté, prendre du recul, savoir sur quoi ou sur qui s’appuyer pour sortir d’un blocage (théorie, auteurs, collègues, réunions cliniques, direction, etc). C’est aussi de leur permettre d’avoir de « l’air frais », de penser leurs actions, d’y mettre du sens. Il est important de mettre du sens sur ce que nous faisons au travail ».

 

Quelles étaient vos attentes par rapport aux participants ?

« Il s’agit de faire évoluer les pensées des participants, les faire réfléchir autour des situations vécues en institution, pouvoir les mettre en mots, si c’est possible, et se rendre compte des mouvements qui les traversent dans la relation éducative ou thérapeutique. J’essaye de leur apprendre à prendre soin d’eux-mêmes aussi ».

 

Un exemple d’expérience à partager ?

« J’utilise souvent le jeu de rôle. Je propose aux professionnels de jouer une scène qui les a mis en difficulté. A chaque fois qu’ils expérimentent de prendre la place du jeune ou de la famille ou de leurs collègues, ils se rendent compte de la complexité des mouvements qui peuvent traverser le jeune pendant une crise, et de quoi ils auraient besoin pour en sortir. C’est difficile de faire ce travail dans les conditions quotidiennes, où l’on est pris dans la relation et c’est compliqué de s’en décaler. Ils retournent sur le terrain généralement avec un autre regard sur la situation ».