Quelle politique d'accompagnement des personnes handicapées vieillissantes en Grand Est ?

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Infirmier aidant une personne à sortir de son lit
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Le nombre de personnes handicapées de plus de 50 ans a fortement augmenté ces dernières années : plus de 55 % sont bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Cette évolution est signe d’une meilleure espérance de vie et impose d’adapter les accompagnements à partir des besoins et souhaits de ces personnes. Consultez ci-après les réponses apportées en Grand Est.

L'essentiel à retenir

  • Partir des souhaits et des besoins de la personne handicapée vieillissante (PHV) dans une logique d’autodétermination et de mobilisation du droit commun d’abord ;

  • Les spécificités d’accompagnement que requièrent les personnes handicapées vieillissantes (PHV), dont le nombre augmentera d’année en année, doivent être intégrées dans les objectifs d’une politique institutionnelle dans les projets d’établissements et plans de formations. L’objectif est bien de permettre un parcours le plus fluide possible prenant en compte les besoins dans une approche globale ;

  • Ces évolutions de pratiques professionnelles doivent être reliées aux enjeux de la transformation de l’offre personnes âgées / personnes handicapées (PA/PH) à l’œuvre depuis plusieurs années : subsidiarité et inconditionnalité de l’accueil doivent primer  ;

  • Il n’y a pas de solution unique d’accompagnement d’une personne handicapée vieillissante mais des solutions à considérer : les trajectoires de vie doivent d’abord s’organiser autour du droit commun, le milieu spécialisé ne venant qu’en étayage ou en subsidiarité. L’offre doit aller vers des solutions modulables, agiles et souples ;

  • L’accompagnement des PHV par un service ou un établissement médico-social PA/PH doit pouvoir s’inscrire dans les prérequis visés dans les repères régionaux ci-dessous,

  • Le repérage à domicile doit être amplifié dans une logique de responsabilité populationnelle : les élus/Centres Communaux d’Action Sociale, les Conseils Départementaux de la Citoyenneté et de l'Autonomie, les Conférences des Financeurs de la Prévention de la Perte d’Autonomie, les Dispositifs d’Appui à la Coordination, les professionnels du premiers recours dont le médecin généraliste, les Etablissements de santé, les Etablissements et Services Médico-Sociaux, les Communautés 360… : chacun peut, à un moment donné du parcours repérer une PHV à domicile en fragilité. Il conviendrait d’amplifier les travaux communs pour répondre à ses besoins (utiliser par exemple la grille des nomenclatures des besoins et des prestations/Sérafin PH)

  • Un axe majeur de développement : celui du domicile. L’offre de services médico-sociaux doit être renforcée et graduée, adaptée aux besoins de soins croissants des PHV, augmentant avec l’âge. La pluralité des solutions pour un continuum de parcours doit être la cible, vers des plateformes de services coordonnés.

 

La préservation et le soutien à l’autonomie de ces personnes font partie des priorités que l’ARS Grand Est s’est fixées dans son Schéma Régional de Santé 2023-2028.

Ainsi et s’appuyant sur le récent rapport de la Cour des Comptes publié en septembre 2023, l’ARS Grand Est a réuni des acteurs du Premier Recours, des représentants d’établissements de santé, médico-sociaux, de services médico-sociaux, mais aussi des représentants des Usagers et des Conseils départementaux et MDPH.

Grâce à ces échanges et regards croisés, l’ARS Grand Est a pu publier des repères régionaux pour un accompagnement de qualité et adapté des Personnes en situation de handicap, Ces repères sont à disposition des acteurs pour appuyer leur réflexion sur l’adaptation de leur prise en soin et accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes.

Des actions à promouvoir dans le respect des recommandations de bonnes pratiques professionnelles

  1. Réaliser des formations croisées des professionnels des champs personnes âgées / personnes handicapées (PA/PH) pour favoriser l’interconnaissance des publics accueillis et de leurs spécificités. L’accompagnement des professionnels du domicile et des EMS du champ PA doit être soutenu pour acquérir/actualiser leurs connaissances, leur permettant d’adapter leur posture professionnelle et de s’ajuster aux profils et besoins spécifiques de la PHV ; en miroir, les professionnels du domicile et des EMS du champ PH doivent également être accompagnés pour développer leurs connaissances sur les impacts du vieillissement chez une PSH ;
  2. Promouvoir l’action et l’appui des Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM) dans la prévention de la rupture du lien social, en particulier pour les travailleurs d’ESAT, voire globalement pour les personnes vivant à domicile ;
  3. Si une entrée en établissement médico-social est choisie par la personne, correspondant à ses besoins et souhaits, alors une période de transition doit pouvoir être organisée, proposant des allers/retours réguliers, un rythme évolutif y compris et surtout pour les personnes venant d’un ESAT (cela doit viser à faciliter les cohabitations, l’adaptation des activités…) ;
  4. Pour faire connaître « très tôt » les particularités d’accompagnement d’une PHV, des stages d’immersion doivent pouvoir être amplifiés incluant les acteurs du droit commun.

Des solutions d’accompagnement à amplifier

Concernant les professionnels

  1. Les nomenclatures des qualifications des personnels doivent pouvoir évoluer et s’adapter aux « publics frontières » PA/PH, PHV par exemple : des qualifications uniformes et « indifférenciées » devraient pouvoir être identifiées tant pour les EMS PA que PH (ex : un éducateur spécialisé n’existe pas dans les grilles des professionnels intervenant en EHPAD) ;
  2. Le contenu de la formation initiale des travailleurs sociaux devrait pouvoir être actualisé pour intégrer des spécificités liées aux handicaps dont les troubles du neurodéveloppement et à leurs conséquences ;
  3. La systématisation d’une évaluation régulière (annuelle a minima) des besoins des personnes accompagnées, de leurs acquisitions et de leurs souhaits, doit être ancrée dans les pratiques professionnelles pour permettre une adaptation continue des accompagnements ;
  4. Des formations continues doivent également pouvoir être soutenues pour des professionnels de santé médicaux ou paramédicaux concernant les spécificités du handicap (par exemple pour des gériatres afin de prévenir la maladie d’Alzheimer chez la personne porteuse de Trisomie 21).

Concernant le repérage et l’offre médico-sociale pour un accompagnement de qualité et adapté aux personnes handicapées vieillissantes

  1. Rendre le repérage de la PH à domicile systématique dès 45-50 ans pour repérer les situations, les analyser et prévenir les ruptures. 1 Cette action demande des travaux complémentaires ne serait-ce que pour outiller les équipes intervenant au domicile (par exemple avec des grilles d’évaluation standardisées) ;
  2. Développer l’offre de services, via des plateaux techniques médico-sociaux par exemple, en visant une offre graduée évoluant selon les besoins des PH dont PHV. Ces plateaux techniques pourraient regrouper des IDE, AS, ergothérapeute, assistant social…afin de soutenir le maintien des personnes, si elles le souhaitent, à domicile. Ce plateau technique interviendrait au domicile, en EMS PH et/ou PA ;
  3. Poursuivre les travaux visant à faire évoluer le nombre de résidences autonomie et à leur permettre d’offrir une offre MS graduée (cf conventions de repli demandées par exemple avec des SSIAD/EHPAD) ;
  4. Renforcer les offres de répit, d’accueil de jour, d’accueil temporaire/séquentiel pour l’aidé et en soutien aux aidants, dans les EMS PA et PH, y compris en FAM/MAS ;
  5. Renforcer plus largement la coopération des acteurs d’un même bassin de vie vers la responsabilité territoriale et populationnelle pour qu’ensemble une palette de solutions diversifiées, plateforme de services coordonnés, souple, modulable, adaptée aux besoins des PHV soit proposable (SAAD, SSIAD, SAMSAH, SAVS, habitat inclusif, résidence autonomie, EMS PA/PH, accueil de jour, hébergement temporaire,…).

Zoom sur les travailleurs d’ESAT

  1. Poursuivre l’accompagnement des ESAT dans la réponse aux nouveaux besoins des personnes qui cumulent de plus en plus emploi et retraite ;
  2. Poursuivre les évolutions de Foyer d’Hébergement (FH) en Etablissement d’Accueil Non Médicalisé (EANM) afin de délier les orientations FH/ESAT et d’éviter les ruptures de parcours à la sortie d’un ESAT ;
  3. Amplifier les accueils dérogatoires pour les personnes en situation de handicap d’âge plus élevé.

Aucune disposition ne précise une limite d’âge maximale pour l’orientation en ESAT. L’orientation en ESAT peut se poursuivre après 60 ans dès lors qu’elle reste adaptée, demandée et acceptée par la personne. La CNAV reconnait que les travailleurs en ESAT peuvent cumuler revenus en ESAT et retraite. Depuis le 1er janvier 2021, le bénéfice de la PCH après 75 ans perdure si le droit a été ouvert avant 60 ans. Si non, demande d’APA possible. Depuis janvier 2023, il est possible de demander l’ouverture de la PCH pour soutenir l’autonomie y compris pour de PHV.

Zoom sur l’accompagnement des personnes handicapées vieillissantes en EHPAD et ses prérequis

  1. Nécessaire adaptation des outils d’évaluation de la dépendance : un point d’attention majeur doit être considéré quant au modèle économique actuel sachant que les profils des personnes handicapées vieillissantes et leurs besoins de soins importants ne peuvent rentrer dans les grilles AGGIR/PATHOS  ;
  2. Nécessaire accompagnement des professionnels des EHPAD pour faire évoluer leurs pratiques professionnelles et coller aux besoins spécifiques des PHV : accompagnement du handicap, activités éducatives, prise en compte des impacts du vieillissement et de la vie en collectivité avec d’autres résidents, dont les âges et les besoins sont différents ;
  3. Nécessaire réflexion à engager pour viser en cible un ratio plus important de personnels socio-éducatifs voire de paramédicaux (MK, IDE) et moins d’ASH (ratios DREES-mai 2024 |Pour 100 PHV en EHPAD : 4,3 ETP socio-éducatifs vs 2 en moyenne pour 100 résidents ; 16,7 ETP ASH vs 19,1 ETP en moyenne pour 100 résidents).

Zoom sur l’accompagnement des personnes handicapées vieillissantes en EMS PH et ses prérequis

En complément des éléments visés ci-dessus, les facteurs suivants sont facilitants pour s’adapter aux besoins des PHV en EMS PH :

  • L’intégration de ces parcours spécifiques dans la stratégie de l’établissement (Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens, projet d’établissement et projet associatif),
  • L’identification d’une unité PHV comme modalité d’adaptation au vieillissement en EMS PH en prévenant toutefois le risque d’isolement au sein même de la structure,
  • La prise en compte des spécificités d’accompagnement des PHV dans la démarche qualité pour répondre aux exigences et recommandations de bonnes pratiques professionnelles de la HAS notamment.

Selon les données de l’IRDES, il existe en France 9,7 millions de personnes atteintes de limitations motrices et 3,5 millions de personnes présentant des troubles psychiques, intellectuels ou cognitifs.

La Personne Handicapée Vieillissante (PHV) se caractérise par :

  • Une situation de handicap qui a précédé les premiers effets du vieillissement,
  • Un âge supérieur à 45-50 ans.

Parmi ces profils à la croisée des personnes en situation de handicap et âgées, deux catégories principales se détachent :

  • Les personnes atteintes de déficiences motrices, viscérales et sensorielles qui représentent une majorité de situations de handicap acquis en cours de vie. Ces personnes sont plus souvent capables de travailler et demandent plus souvent une reconnaissance de travailleur handicapé,
  • Les personnes présentant des troubles psychiques, intellectuels ou cognitifs, qui sont plus éloignées du monde du travail et auront davantage besoin d’une allocation aux adultes handicapés (AAH) ou d’une orientation en établissement ou service médico-social.

Des besoins partiellement satisfaits en matière d’accès aux soins et d’accompagnement social et médico-social

Les personnes handicapées vieillissantes ont significativement moins accès aux soins que la population générale, et si la prestation de compensation du handicap (PCH) joue un rôle important, elle ne couvre pas tous les besoins d’accompagnement.

Par exemple, différents travaux montrent que les services d’accompagnement à domicile auxquels accèdent effectivement 41 % des demandeurs seulement sont en forte tension. La situation est également tendue pour l’accès aux établissements pour personnes en situation de handicap. La probabilité pour les demandeurs d’y être admis suite à une orientation est de 65 %, tous âges confondus. Cet accompagnement insatisfaisant, conjugué à des difficultés d’accès aux soins, explique que le vieillissement des personnes en situation de handicap soit moins bien accompagné qu’en population générale. Des nuances doivent néanmoins être apportées à ce constat, tant les parcours se révèlent variés.

Des ruptures de parcours à anticiper

Près de 90 % des personnes en situation de handicap vieillissantes vivent dans un domicile autonome et sont pour la plupart (52%) non accompagnées. Leurs besoins portent à la fois sur l’adaptation de leur logement, mais aussi sur l’accès à une aide humaine.

Pour prévenir et limiter les situations de crise, l’offre de soutien à domicile semble donc devoir être étoffée, diversifiée, coordonnée et associée à des procédures de repérage systématique.

À l’exception des personnes vivant en foyer d’hébergement, les personnes accueillies en établissements pour personnes handicapées bénéficient, en principe, de plus de stabilité.

D’autres personnes trouvent une réponse partielle dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui sont à date, la principale structure d’accueil des personnes en situation de handicap vieillissantes, domicile d’environ 37 000 personnes handicapées vieillissantes (PHV) en France.

Un public prioritaire du plan national 50000 solutions

La mise en œuvre en région Grand Est du plan national « 50 000 solutions » s’inscrit en continuité des annonces réalisées lors de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023 et des Comités interministériels du handicap des 20 septembre 2023 et du 16 mai 2024.

Ainsi, un appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) régional a été lancé le 10 avril 2024 visant à recueillir des projets en réponse aux besoins des personnes en situation de handicap, qui devront contribuer à :

  • Mettre en place de nouvelles solutions modulaires et tournées vers le milieu ordinaire, pour accélérer la transformation des ESSMS et passer d’une logique de places à une logique de plateformes de services coordonnés pour et avec la personne en situation de handicap et ses aidants ;
  • Prioriser l’accompagnement par les dispositifs de droit commun en proximité́ du lieu de vie des personnes et de leurs proches ;
  • Renforcer la logique de parcours en affirmant les liens entre le secteur médico-social et le milieu ordinaire, en particulier pour les enfants en situation de handicap relevant de l’ASE, les jeunes adultes maintenus au titre de l’amendement Creton et les Personnes Handicapées Vieillissantes (PHV).
  • Prendre particulièrement en considération les besoins spécifiques de certains publics tels que les personnes en situation de polyhandicap, avec troubles du neurodéveloppement (TND) et/ou troubles psychiques.

Les solutions d’accompagnement proposées devront ainsi s’inscrire dans les enjeux de diversification des réponses et de transformation de l’offre médico-sociale sur un territoire, en cohérence avec le Schéma Régional de santé du Grand Est du Projet Régional de Santé.

Les particularités d’accompagnement requises par une personne en situation de handicap vieillissante, à la frontière du grand âge et du handicap, font ainsi partie des priorités visées par les 50000 solutions. Les repères régionaux ainsi travaillés ont pu être annexés en juillet 2024 à l’AMI, dans la perspective de projets sur cette thématique qui pourraient être soutenus dès 2025.