L'accès aux soins en Grand Est : stratégie et actions pour faire face aux déserts médicaux

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Crédits : 123RF

Améliorer l'accès aux soins passe par la conjonction de dispositifs complémentaires : assistants médicaux, délégation de tâches, coopérations interprofessionnelles, réduction de la charge administrative, exercice coordonné tel que les CPTS ou les MSP. Point sur la stratégie et les dispositifs déployés en Grand Est.

Les actions pour améliorer l'accès aux soins

L'ARS accompagne et soutient les professionnels de santé dans leur installation :

  • via les aides financières qui visent à encourager les médecins, et notamment les jeunes, à s’installer en Grand Est, et à maintenir leur activité plus longtemps. Des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins permettent aux médecins d’accéder à ces aides. L’ARS a fait le choix d’élargir les territoires ciblés par le ministère et l’assurance maladie et d’accompagner davantage de territoires en mobilisant ses fonds propres.  
  • via les journées de l’installation des médecins libéraux en lien avec ses partenaires (URPS ML, Assurance Maladie...), destinées aux internes en médecine générale et spécialités, externes, remplaçants thésés. Ces manifestations sont l’occasion de promouvoir l’attractivité des territoires du Grand Est et de présenter aux futurs médecins le panel des aides à l’installation régionales et nationales mobilisables.

Toutefois, les incitations financières connaissent leurs limites : avec des départs en retraite prévus dans les trois ans estimés à plus de 30% des médecins en exercice et en parallèle une augmentation des besoins de santé, il nous faut aujourd’hui rationaliser nos ressources médicales et offrir des conditions de travail aux professionnels de santé leur permettant d’optimiser leur temps.

Plus d'informations sur les aides financières et sur le zonage ouvrant droit à ces aides sur la plateforme d'accompagnement des professionnels de santé Grand Est

Les maisons de santé pluriprofessionnelles

Les maisons de santé pluriprofessionnelles connaissent un développement important sur toute la région. L’annonce du Plan « 4000 MSP » accentue davantage cette dynamique. Au 1er février 2024, le Grand Est compte 203 Maisons de santé pluriprofessionnelles labélisées, ouvertes au public et en fonctionnement, réparties sur l’ensemble du territoire. Parallèlement, une vingtaine de projets de MSP devraient compléter cette offre en 2024.

L'action de l'ARS

L'ARS soutient le développement des maisons de santé par des dispositifs méthodologiques et d’accompagnement financiers ainsi que par un suivi de proximité par les délégations de l'ARS dans les départements afin d’accompagner les professionnels dans leur démarche.

Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)

Les CPTS sont des structures permettant aux professionnels libéraux de travailler ensemble (pas forcément sous le même toit) mais également avec les autres acteurs du territoire tels que les hôpitaux ou les EHPAD.

Parmi leurs priorités, les CPTS facilitent l’accès à un médecin traitant, organisent la mise en place de créneaux de soins urgents ou encore développent des actions de prévention.

Au 31 décembre 2023, 84% de la population vit dans un territoire couvert par une des 55 CPTS déployées en région Grand Est. La dynamique sera poursuivie en 2024 afin que toute la région soit couverte.

L'action de l'ARS

L’ARS finance précocement les coordinateurs aidant à la construction des projets et accompagne les quelques zones qui n’ont pas encore pu s’organiser.

Interlocuteur unique pour les parcours complexes, les dispositifs d'appui à la coordination (DAC) peuvent venir en appui aux professionnels de santé libéraux, sociaux et médico-sociaux.

Afin de contribuer à ce que toute personne puisse bénéficier d’un parcours de santé adapté à ses besoins, les DAC agissent à 3 niveaux :

  • Assurer la réponse globale aux demandes d’appui des professionnels (accueil, analyse de la situation de la personne, orientation et la mise en relation, accès aux ressources spécialisées, suivi, planification des prises en charge). Cette mission est réalisée en lien avec le médecin traitant.
  • Contribuer à la réponse aux besoins des personnes et de leurs aidants en matière d’accueil, de repérage des situations à risque, d’information, de conseils, d’orientation, de mise en relation.
  • Participer à la coordination des acteurs du territoire qui concourt à la structuration des parcours de santé.

Les évolutions de compétence

Travailler ensemble, c’est aussi se répartir les tâches pour gagner en efficience en s’appuyant sur les compétences de chacun. Les périmètres d’action des professions de santé ont beaucoup évolué ces dernières années et cette nouvelle répartition des rôles mérite d’être accompagnée. Qui sait que lorsqu’une patiente n’a pas accès à un gynécologue, elle peut aller chez une sage-femme, pour un renouvellement de pilule, par exemple ? Ou qu’un orthoptiste peut prescrire des lunettes et des lentilles de contact entre 16 et 42 ans ? L’exemple emblématique de ces nouvelles compétences qui gagnent à être connues des patients mais aussi des professionnels, est la création des infirmiers en pratique avancée, qui doivent progressivement trouver leur place dans les équipes de soins. En effet, les retours des équipes qui se lancent dans ces nouveaux partenariats sont extrêmement positifs et confirmés par les patients qui apprécient cette réponse complémentaire.

La délégation de tâches

Autre levier fort de l’accès aux soins, la délégation de tâches. Il s’agit d’un professionnel de santé confiant un acte ou un geste technique qu’il est seul à pouvoir réaliser à un autre professionnel. Cela permet une prise en charge plus rapide pour le patient, grâce à une libération de temps médical ainsi qu’une montée en compétences de certains professionnels, facteur d’attractivité dans les métiers de la santé.

A titre d’exemple il est possible, dans certaines conditions, de bénéficier d’un renouvellement de traitement en cas d’allergie aux pollens directement par un infirmier ou un pharmacien d’officine au lieu de retourner chez son médecin traitant, potentiellement peu disponible.

Dans l’ensemble du Grand Est, 481 professionnels de santé « délégués » en ville et à l’hôpital sont les précurseurs de ces nouvelles pratiques au bénéfice des patients mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour qu’elles se généralisent.

L'action de l'ARS

L'ARS met en place un accompagnement personnalisé des équipes souhaitant s’inscrire dans ces pratiques afin de leur faciliter les démarches.

Si nous souhaitons permettre à chacun de valoriser ses compétences en faveur des patients, il convient également de libérer les professionnels de santé, et notamment les médecins, de tâches chronophages qui réduisent le temps passé auprès des patients.

C’est dans cette optique qu’ont été créés les assistants médicaux, qui peuvent venir en appui des médecins pour les soulager dans des procédures administratives (l’accueil du patient, la création et gestion de son dossier…), dans la préparation et le déroulement de la consultation (aide à l’habillage, déshabillage, prise de la tension, pesée, taille…) ou encore dans l’organisation du parcours du patient (organisation d’un rendez-vous avec un spécialiste à l’hôpital…).

Fin 2023, la région Grand Est compte 412 assistants médicaux sur l’ensemble du territoire.

L'action de l'ARS

Pour faciliter le déploiement de ces professionnels qui permettent de gagner du temps médical, l’ARS facilite leur embauche via la mise en place d’un groupement d’employeurs, évitant ainsi de nombreuses formalités aux médecins.

Pour les patients qui ne parviennent pas à accéder aux soins, et pour qui se déplacer sur de longues distances n’est parfois pas envisageable, il faut alors amener le soin à eux.

C'est pourquoi 100 MédicoBus pour aller vers les patients des zones rurales touchées par la désertification devraient ainsi voir le jour d’ici à fin 2024, dont une dizaine en Grand Est.

L'action de l'ARS

L’ARS a lancé un premier appel à projets et accompagnera financièrement les projets retenus, dès février 2024. Un second appel à projets sera lancé au cours de l'année 2024.

 

 

La France est confrontée depuis 30 ans à une hausse continue de la demande de soins non programmés, de la fréquentation des services des urgences et de services de gardes. La région Grand Est n’est pas épargnée par ce constat. Qu’il s’agisse d’urgences "vraies" justifiant une consultation le jour même ou d’un besoin de soins ressenti comme tel, il nous faut pouvoir y apporter une réponse.

Le Service d’Accès aux Soins, dit SAS, a pour objectif de répondre aux demandes de soins urgents, à toute heure grâce à une organisation partagée ville-hôpital.
Ainsi, une personne appelant la plateforme de régulation SAS via le 15 sera, en fonction de ses besoins, orientée soit vers la filière des urgences soit vers la médecine de ville.

Concrètement, il pourra lui être proposé une orientation ou un conseil médical, la prise d’un rendez-vous dans les 48 heures pour une consultation dans un cabinet de médecine générale ou à son domicile, l’accès à une téléconsultation, l’orientation vers un service d’urgence ou l’envoi d’une ambulance.

Le SAS est donc la clé de voûte de l’organisation d’une réponse graduée mobilisant les services d’urgences, les CPTS, les autres structures de premier recours et de soins non programmés.

L'action de l'ARS

Sur l'année 2023, l'ARS Grand Est a poursuivi son engagement pour le déploiement du SAS. Au terme du 1er semestre 2024, 82% de la population régionale pourra déjà bénéficier de ce dispositif.

Pour être en phase avec les besoins des territoires, l’ARS travaille avec ses partenaires, que ce soient les représentants des professions de santé, des maisons de santés pluriprofessionnelles, des usagers, les élus ou encore les différentes parties prenantes de l’écosystème de la santé. Ainsi, différents dispositifs sont mis en place :

  • la construction d’une feuille de route commune de l’accès aux soins avec l’assurance maladie pour coordonner toujours davantage les actions des CPAM et des délégations territoriales de l’Agence dans les départements,
  • la poursuite des actions du Conseil National de Refondation en Santé (CNR-Santé) avec la mise en place d’un évènement anniversaire pour renforcer la dynamique autour des Conseils Territoriaux de Santé (CTS).

Nos concitoyens éprouvent chaque jour des difficultés à obtenir un rendez-vous chez un médecin, et encore plus auprès d’un spécialiste. C’est la conséquence directe d’un contexte de tensions sur le nombre de professionnels de santé.

La densité des médecins généralistes en Grand Est (145,6 pour 100 000 habitants en 2022) est inférieure à celle de la France entière (155,4). Elle a diminué régulièrement ces dix dernières années mais devrait se stabiliser d’ici 2030. Plus de 300 médecins généralistes de la région Grand Est n’ont pas été remplacés.

Si la suppression du numérus clausus a permis d’accueillir davantage d’étudiants en études de médecine, les premiers bénéfices de cette mesure ne seront ressentis que dans 8 ans, avec 15% de médecins supplémentaires actuellement en formation.

Il faut donc en attendant relever un défi : celui de l’attractivité de notre territoire et de la fidélisation de nos professionnels de santé.